Entrée en fonction

Nombre de messages : 14 Date d'inscription : 28/04/2011

Lentement, je posai mon bagage au sol. Levant la tête, j'étais enfin arrivé. Ces dédales de couloirs n'avaient pas été de tout repos, surtout après un long voyage effectué à pied, et ce depuis l'Italie, mais qu'importait, puisque j'avais réussi à trouver le quartier de la direction.

Soupirant de soulagement, je me passai distraitement une main dans les cheveux et sortis une lingette pour me nettoyer un peu le visage. Autant essayer d'être présentable; le poste d'infirmier ne serait certainement pas octroyé à une personne ressemblant à un mendiant crasseux.

Après ma toilette de chat, je marchai alentours, pour découvrir mon potentiel nouvel environnement. C'était vieux, mais très beau. J'allais m'y plaire, c'était certain. M'arrêtant, un détail attira mon attention : c'était apparemment un panneau indiquant le plan de la totalité du bâtiment. Je m'en rapprochai pour le scruter un instant et...

"QUOI ?! Pas d'infirmerie ?! Nulle part ?! Impossible, ce doit être une erreur !!" M'exclamai-je, abasourdi.

Je restai un instant planté devant le plan, l'air perplexe et songeur, le scrutant à nouveau. Aucune erreur possible, rien n'était indiqué concernant une infirmerie.

"Ça alors..." Marmonnai-je, encore sous le choc.

Il me fallut reprendre mes esprits, et je m'avançai pour trouver le bureau du directeur, ou de la directrice. Il faudrait bien que je voie quelqu'un, c'était d'une importance capitale, à ce point là !

"Ces papiers, mais ces papiers ! Ils vont finir par avoir ma peau."

La jeune femme se retint de justesse de cramer le tout. Des papiers qui disparaissaient, il y en avais des tonnes, non ? Oui, mais non. Il y avait toutes les inscriptions des élèves, et toutes les informations que ceux-ci avaient fournis sur eux. Du moins lorsqu'ils avaient pu en fournir. Il y avait des histoires assez tragiques, et certaines inscriptions se faisaient a pied levé. L'Académie était fort heureusement gratuite, et servait de refuge a de nombreuses personnes. Sinon, elle n'imaginait pas ce qui pouvait arriver.

Elle soupira, et se réinstalla. Elle avait tous les dossiers a compléter, et tout le courrier a ouvrir. Un bruit dans le couloir retint l'attention de la jeune fille. Une voix masculine, au troisième étage... Elle n'avait jusque là qu'entendu des voix féminines. Et encore, pas tant que ca.

Se levant, elle jeta un rapide coup d'oeil sur le miroir, vérifiant si elle était présentable. Sa tenue comme sa coiffure étaient très simple : un jean et un pull foncés, et ses longs cheveux violets étaient noués en une queue de cheval. Ca devrait bien aller, puisqu'après tout, ca aurai du être une journée pour mettre a jour tous les dossiers, et tous les papiers.

Elle se dirigea vers la porte, et l'ouvrit. Ses yeux s'agrandirent en voyant la taille du nouvel arrivant. Il était grand. Très grand, même, pour la jeune fille.

"Euh... Je peux vous aider ?"

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Continuant à fulminer intérieurement, je m'arrêtai lorsque la porte s'ouvrit juste devant moi, laissant apparaître une jeune femme plus petite d'au moins deux bonnes têtes. Pris au dépourvu, il me fallut quelques minutes avant de me ressaisir et de lui sourire, en lui tendant la main pour la saluer un peu plus formellement; mon apparition sur le pas de sa porte ayant légèrement fait "tâche".

"Oh, bonjour ! Je me présente, Erwan. Erwan Perec, je cherche le dirigeant -ou la dirigeante, d'ailleurs - de l'établissement. Je suis venu pour postuler à un poste de professeur. Enfin, essentiellement d'infirmier, mais aussi de professeur."

M'embrouillant légèrement, je baissai les yeux avant de les relever, un sourire en coin, embarrassé.

"Hem. Excusez-moi, je n'ai pas l'habitude de m'exprimer clairement lorsque quelqu'un apparait soudainement sur le pas de la porte devant laquelle je me trouve."

En espérant que ma "blagounette" détendrait l'atmosphère.

"J'espère que mes éclats de voix ne vous ont pas dérangé. J'ai juste été surpris de ne pas voir d'infirmerie indiquée sur les plans de l'établissement, et vu que c'est pour ce poste que je suis venu me proposer..."

L'homme, Erwan de son prénom, sembla aussi embarrassé qu'elle. Laissant échapper un sourire, la jeune femme le laissa s'expliquer. Il était donc venu pour postuler a deux postes, l'un de professeur, l'autre d'infirmier. Ca pouvait coller, mais...

"J'ai juste été surpris de ne pas voir d'infirmerie indiquée sur les plans de l'établissement, et vu que c'est pour ce poste que je suis venu me proposer..."

L'école n'avait pas prévu d'infirmerie... Les temps devaient donc être plus calmes. Mais après tout, pour les petits bobos... Elle avait oublié. Kaëmline songea que l'école avait oublié de prendre en compte que les petits bobos pouvaient aussi conduire a l'infirmerie.

"Eh bien... Pour l'infirmerie, l'école ne devrait pas tarder a vous fournir un local convenable. Ne me demandez pas comment, mais dès demain, elle sera ouverte. La magie du manoir, je suppose..."

Elle se tourna sur le coté, et invita Erwan a entrer dans le bureau, qui était toujours rempli de papiers et couvert de différents dossiers.
Kaë chercha une chaise du regard, avant d'en trouver une sur le coté, qui faisait office de carton d'archive.

"Hem... J'essaie de remplacer l'absence de directeur digne de ce nom, mais avec les cours, j'ai du mal a trier les papiers... Je vais tacher de vous trouver une chaise, et de faire un peu de place "

Gênée, elle se dépêcha d'empiler les dossiers des élèves, celui des professeurs, et plaça au dessus celui d'Erwan , que l'Académie venait de lui fournir diligemment. Elle dégagea également la chaise de ses archives, et l'apporta face au bureau. Elle alla s'asseoir dans le fauteuil, et repris la parole.

"Donc, vous voulez prendre un poste de professeur et celui d'infirmier au sein de notre Académie... Puis-je vous demander pourquoi ici, et pas ailleurs ?"

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La demoiselle m'offrit d'entrer dans son bureau, et je lui emboitai le pas avec un sourire, pour atterrir sur... Une montagne de papier ! C'était un véritable raz de marée, un faux pas et je finissais noyé sous cet énorme tas. Je fus très surpris lorsqu'elle m'annonça que mon éventuelle infirmerie allait apparaître "comme par magie". Ayant une mine ébahie, je fus certain qu'elle comprit mon étonnement. Mon infirmerie allait apparaître comme ça ? "Pouf", et la voilà ? Il y avait de quoi être sincèrement impressionné !

"Eh bien, je suis ébloui ! L'académie serait donc imprégnée de magie, c'est fascinant..."

Encore perplexe, je le fus encore plus lorsqu'elle m'avoua s'occuper seule de tous ces papiers. Une jeune fille comme elle, jongler entre papiers et cours... M'offrant une chaise, je m'y assis, légèrement coincé par les piles de feuilles entassées autour de moi qui me tenaient compagnie.

"Eh bien oui, effectivement, je souhaite postuler pour devenir à la fois professeur et infirmier."

Plaçant un sourire au milieu de ma phrase, je me laissai le temps de réfléchir à sa question. Pourquoi ici et pas ailleurs...?

"Pour être tout à fait franc... C'est essentiellement parce qu'un ami italien m'a parlé de vous, et avec beaucoup de compliments à l'égard de l'établissement. Mais je dois dire que, depuis mon arrivée ici, je suis de plus en plus fasciné par l'académie. Je trouve que c'est un endroit profond, qui a beaucoup à donner; et cela m'apparait comme étant le meilleur cadre possible pour partager mon savoir."

Je marquai une pause. Que dire de plus... Voyons... Ah oui. Parler de mes qualifications !

"J'ai appris depuis l'âge de 6 ans à contrôler mes pouvoirs, et on m'a enseigné l'art de manier le sabre, ainsi que la médecine. Je dispose d'un pouvoir de guérison, qui équivaut à de la régénération lorsqu'il s'agit de blessures sur mon corps, je maîtrise le vent, ainsi que la cristallisation. Et pour mon sabre, je le matérialise dans mon dos."

Je fis une nouvelle pause, embarrassé. Je ne savais absolument plus quoi lui dire...

"Bon, eh bien... Heu... Vous avez des questions, peut-être...?"

Visiblement, ce qu'elle avait mentionné des propriétés du chateau était suffisant pour le surprendre. Kaëmline éprouva une légère pointe de fierté. La magie de ses ancêtres avait impregné jusqu'a la moindre poussière du chateau, qui ne cessait de la surprendre elle-même.
Jouant distraitement avec la couverture du dossier d'Erwan, elle l'écouta.

"Nous disons donc... Air, Guérison, Matérialisation, et Cristallisation. Un certain nombre des élèves controlent, si je puis dire, l'air ou le vent. Et vos collègues n'étaient pas en capacité de les aider. Par contre, j'aimerai bien savoir en quoi consiste votre pouvoir de cristallisation, je n'en ai jamais entendu parler."

Son regard se posa a nouveau sur la pile des dossiers des élèves, puis elle fixa Erwan droit dans les yeux.

"Les compliments sur l'école ne suffisent pas. C'est un cadre enchanteur, mais pour les élèves, c'est bien plus encore, monsieur Perec."

Elle se leva, et contourna le bureau et les piles de papiers pour être bien en face d'Erwan.

"Ce chateau, monsieur Perec, est devenu la maison de beaucoup de nos élèves qui ont été rejeté. Ceux qui sont ici considèrent ce lieu, y compris l'Académie en elle-même, comme leur famille."

Elle marqua une pause, inspirant profondément pour ne pas laisser trop d'émotions filtrer.

"Que ce soit clair, monsieur Perec, c'est la première fois et la dernière fois que je me permet de vous parler comme ca. Mais je veux savoir si vous vous sentez assez fort pour vous occuper d'élèves qui ont pu avoir d'énormes soucis a l'extérieur, avec leurs pouvoirs ou avec les autres. Si vous êtes capable de les aider a se construire, voire a se reconstruire, pour qu'ils puissent ensuite quitter sereinement l'académie et vivre parmi les autres sans problèmes."

Elle retourna s'asseoir, et fixa a nouveau son regard sur Erwan.

"C'est le but premier de cette Académie. Si vous vous sentez capable... Sachez que vos appartements sont au même étage que ce bureau, et que votre infirmerie est déja probablement ouverte."

Kaëmline se détendit et retrouva sa gaité habituelle, et sourit au nouveau professeur.

"Bienvenue à l'Académie Osari, monsieur."

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J'écoutai la demoiselle avec attention. Elle était subitement devenue très sérieuse, je pouvais constater sans le moindre doute qu'elle prenait son rôle très à cœur.

"La cristallisation ? Eh bien, c'est la possibilité pour moi de transformer tout et n'importe quoi en cristal. Au premier abord, ce pouvoir semble assez inintéressant, mais... J'ai la possibilité de transformer votre sang en cristal, par exemple. Ou un de vos organes, au choix. Je peux aussi le faire avec l'air, la nature, les animaux, et cætera. Je n'en abuse généralement pas, mais en cas de danger, lors d'un combat à un contre plusieurs ennemis, ou même pendant une opération périlleuse, je peux stopper une hémorragie, ou anesthésier localement. Je dois préciser que cette technique-là, je ne m'en sers que lors d'un cas de force majeure : anesthésier localement avec mon pouvoir n'est pas forcément sans risque."

Pour lui faire une petite démonstration, j'élevai la paume de ma main à la hauteur de nos regards respectifs, et fit apparaître un petit cristal de force hexagonale, avant de le briser en poussière de cristal, sans faire le moindre mouvement.

Lorsqu'elle se leva pour être en face de moi, je la fixai dans les yeux. La tension était palpable, la demoiselle était très sérieuse. L'écoutant attentivement, j'esquissai un léger sourire mélancolique, le visage soigneusement fermé à toute émotion. Je n'aimais pas que mon passé se reflète dans mes yeux.

"J'en ai conscience, ne vous inquiétez pas. Je comprends tout à fait ce sentiment... C'est aussi pour cela que je suis venu ici. Je veux vraiment que cette académie soit le seul et unique foyer que j'aie jamais eu."

J'avais fait un aveu. Et je n'aimais pas faire d'aveux. Trop de mauvais souvenirs.

"J'ai appris à grandir à la dure, et je pense être très bien placé pour savoir ce que c'est, de ne plus avoir de famille. Ou même de ne pas en avoir. J'aimerais pouvoir leur apprendre à s'accepter comme j'ai dû le faire pour moi par le passé, et leur apprendre à s'aimer. Je veux leur offrir de l'amour, du réconfort. Je veux être le grand frère plein d'attentions qui leur apprendra à contrôler leurs pouvoirs pour vivre en harmonie avec eux. Pour moi, ces pouvoirs sont des dons incompris. Et je veux qu'ils sachent que les gens de l'extérieur ont tort. Ces élèves ne sont pas des monstres, mademoiselle. Ce sont ceux qui leur ferment leur cœur sans chercher à les connaître qui le sont."

Au moins c'était clair, je pensais avoir été assez explicite. Le regard dans le vague, il me fallut quelques temps pour revenir à la réalité et faire cesser le léger tremblement de ma lèvre inférieure. Je voulais, moi aussi, faire partie de la famille, être leur famille.

"Je comprends tout à fait votre réaction. Sachez même que je l'approuve, même si cela ne vous apportera pas grand chose dans la vie que d'avoir mon assentiment. Je ne sais pas si je m'en sens capable, je n'ai jamais enseigné. Mais je veux m'en sentir capable, et pour ça j'irai jusqu'au bout pour y arriver !"

Un sourire apparut sur mes lèvres lorsqu'elle me souhaita la bienvenue. Que j'étais heureux à cet instant ! Mon visage devait transfigurer la joie, et je devais sûrement faire peur, mais je m'en fichais. Me levant brusquement de ma chaise, je posai mes mains sur les épaules de la jeune fille et lui sourit en rapprochant mon visage du sien.

"Merci ! Oh, merci ! Je promets de tout mettre en œuvre pour être un bon professeur !"

Réalisant soudainement que mon visage se trouvait à quelques centimètres du sien, je m'empourprai légèrement avant de me redresser et de toussoter, gêné.

"Ah... Excusez-moi cet emportement. C'est... l'émotion."

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