Baignade au clair de lune (libre à une personne)

Maïlyse n'avait qu'une idée en tête depuis quelques jours : se baigner. Elle qui pouvait le faire presque toute la journée pendant son année d'absence ressentait un manque atroce, qui provoquait une douleur lancinante dans sa poitrine lorsqu'il se faisait trop ressentir. Il lui fallait se baigner, et vite. Elle avait incroyablement besoin de sa communion avec la substance aqueuse dont elle dépendait.

Ayant réussi à s'éclipser après un long moment de discussion avec Arwen, elle se transforma rapidement en guépard pour courir jusque dans la forêt, tel un sanglier : elle ne regardait pas où elle allait, elle fonçait, tout simplement. Après s'être pris une branche sur l'épaule qui l'égratigna au sang, elle reprit cependant son sang-froid et se contrôla un peu mieux, évitant avec sa grâce de félin tout obstacle susceptible de la blesser.

S'arrêtant un instant, elle huma l'air. L'odeur de l'eau se faisait de plus en plus forte, elle se rapprochait. Maïlyse reprit aussitôt sa course, et, après quelques minutes, elle finit par arriver aux sources chaudes. Reprenant sa forme initiale, elle eut un sourire, pensant qu'elle allait faire d'une pierre deux coups : en plus de communier avec l'eau, ce dont elle avait éminemment besoin, elle pourrait en plus profiter d'un moment de détente corporelle et psychologique. Bien qu'elle fut heureuse d'être de retour à Osari, toute cette agitation contrastait énormément avec les habitudes prises au cours de l'année précédente, et lui donnait facilement mal à la tête.

Ôtant rapidement sa robe, qu'elle trempa au préalable dans l'eau avant de l'étendre pour qu'elle sèche, la course l'ayant légèrement salie, elle plongea directement dans les sources chaudes, sans préambule. S'agissant de son élément maître, elle ne risquait pas de faire un choc thermique. Maïlyse poussa un grand soupir de soulagement, rassérénée. Elle y était enfin ! Se redressant, l'eau ruissela sur sa peau nue, ses cheveux seuls cachant une partie de son corps; elle baignait dans la lumière du clair de Lune, et se sentait revivre peu à peu.

Askôn se promenait tranquillement dans la forêt, savourant le plaisir de marcher seul dans la nature, ce qu'il avait l'habitude de faire tous les jours lorsqu'il était dans les Carpathes. Ce retour à Osari, même s'il appréciait beaucoup sa famille, à quelques exceptions près, lui faisait un bien fou. Retrouver Arwen, Chiba, Kaëmline, Mikaya, et surtout Maïlyse... Un détail attira soudain son attention. Sur une branche, une légère trace rouge. Intrigué, et commençant à être inquiet, s'il ne se trompait pas, il s'approcha. C'était bien du sang.

"Bon, il est tout à fait possible que ce soit juste quelqu'un qui se soit égratigné au cours d'une promenade, Askôn, inutile de t'inquiéter comme cela, se morigéna-t-il, en réponse à l'angoisse diffuse qu'il ressentait. Mais allons tout de même vérifier que personne n'a besoin d'aide dans les environs. On ne sait jamais, après tout, et comme je me promenais déjà..."

Il se dirigea donc dans la direction qu'avait vraisemblablement prise celui ou celle qui s'était fait mal, moins distrait qu'auparavant, et accélérant légèrement le pas. Pourvu qu'il ne soit rien arrivé à personne... Sa marche l'amena jusqu'aux sources chaudes, où il ne vit personne. Sauf une robe mouillée, qui séchait sur le bord. La robe de Maïlyse. Askôn sourit. Sa bien-aimée devait être sous l'eau, se ressourçant - c'était le cas de le dire - dans son élément. Il s'allongea dans l'herbe pour l'attendre. Et effectivement, il entendit la jeune femme reparaitre à la surface de l'eau. Sans bouger de sa position, il étendit le bras vers le ciel et la salua.

"Salut Maïlyse ! L'eau est bonne ?"

Comme si Maïlyse pouvait ne pas trouver l'eau bonne... Le jeune homme rit doucement, tout en contemplant la lune entre ses doigts, le bras toujours étendu au dessus de sa tête.

Surprise, Maïlyse replongea sous l'eau pour ne laisser apparaitre que sa tête, en rougissant de honte et de pudeur. Elle s'était tellement laissée distraire qu'elle n'avait pas entendu Askôn arriver, au point de se faire surprendre nue dans les sources chaudes. Quelle imbécile !

"Askôn, idiot !! Tu m'as fait une peur bleue !!"

Toujours aussi rouge, Maïlyse sortit un bras de l'eau pour faire venir sa longue serviette à elle, grâce à un jet d'eau qu'elle gela pour que la serviette ne finisse pas mouillée.

"Retourne-toi, veux-tu ? Que je puisse au moins me présenter décemment devant toi..."

S'enroulant rapidement dans son drap spongieux, elle s'assura qu'il s'était bien retourné pour sortir de l'eau. Même s'il était allongé dans l'herbe, rien n'y faisait : Maïlyse restait la pudique qu'elle avait toujours été. Elle alla s'asseoir au côté d'Askôn, la brume formée par la condensation des gouttelettes d'eau chaude perlant sur sa peau et dans ses cheveux, en s'assurant qu'une bonne distance les séparait. Elle était nue sous sa serviette, et sa plus grande crainte était de se retrouver nue, tout court.

Maïlyse rougit à la phrase d'Askôn, avant de laisser un léger rire s'échapper de ses lèvres, détendant considérablement l'atmosphère et lui permettant d'être plus à l'aise.

"M'appeler chef ? Quelle idée ! D'où tiens-tu un surnom pareil ?"

Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres, avant qu'elle ne se rapproche d'Askôn, prenant bien soin de ne pas laisser tomber son vêtement.

"Puisque c'est comme ça, tu n'enlèveras pas ton bras de là avant 5 bonnes minutes !"

La dernière remarque d'Askôn lui fit regarder instinctivement son épaule gauche, pour la forme. Ce n'était qu'un petit bobo de rien du tout...

"Pas de souci à se faire, ce n'est qu'une égratignure. J'étais juste un peu pressée de m'éclipser pour venir me détendre, l'ambiance trop euphorique au château me fait tourner la tête, à force."

S'allongeant à son tour dans l'herbe, elle leva les deux bras et joignit les mains pour s'étirer.

"Et toi, d'ailleurs, que fais-tu là ?"

Maïlyse eut une moue amusée suite à l'explication d'Askôn. Se faire appeler "chef" lui déplaisait et la faisait rire en même temps. Vive les lunatiques !!

"Me voilà donc condamnée à le porter jusqu'à la fin de mes jours !!" Déclara-t-elle sur un ton exagérément dramatique; un bras levé vers le lointain, l'autre replié sur son front, et un visage faussement peiné.

"Oui, c'est promis, je n'ai plus mal. J'étais juste vraiment pressée, et l'odeur de l'eau m'attirait tellement que je n'ai pas fait attention à ce qui m'entourait. J'ai pris la forme d'un jaguar, mais j'avais l'allure d'un sanglier ! Sur le moment j'ai eu un peu mal, ça m'a picotée, mais bon. Au moins j'ai pu reprendre mes esprits !"

Sa déclaration se termina par un sourire. Elle savait qu'Askôn ne pourrait pas le voir, mais son ton indiquait assez bien son humeur et impliquait sans équivoque un sourire amusé.

La longue réponse d'Askôn la toucha, et elle esquissa un sourire, en s'allongeant à ses côtés.

"C'est vrai que la nature est magnifique, chez toi. Nous avons fait de longues promenades, là-bas... Tes yeux étaient magnifiques tant ils brillaient de joie. Tu es sûr que ton élément maître n'est pas la terre, au cas où ?"

Riant légèrement à sa remarque, elle se pencha par-dessus Askôn pour soulever son bras, l'admirer et l'embrasser doucement. Lorsqu'elle se redressa, tout son visage souriait du bonheur d'avoir retrouvé son bien-aimé.

"La punition est levée, je t'ai même offert une petite compensation pour l'attente. Satisfait ?"

"Mais non, je t'assure, je n'ai plus mal du tout ! Arrête donc de t'inquiéter pour rien."

Maïlyse avait accompagné ses paroles d'une caresse de la main sur la joue de son cher et tendre. Elle avait perçu la pointe d'anxiété dans la phrase d'Askôn, et tenait à tout prix à le rassurer.

Elle éclata de rire à la réponse qu'il lui fournit. Elle qui lui avait demandé sur le ton de la plaisanterie, si son élément maitre n'était pas la terre, lui répondait avec le plus grand sérieux qu'il était un ours !

"Un ours drôlement délicat, alors. Je ne savais pas que les ours pouvaient être tendres en amour !"

Posant sa tête sur l'épaule d'Askôn, elle poursuivit.

"J'aurais plutôt dit que si tu aimes autant la nature, c'est parce que tu as grandi en son sein. Elle t'a toujours entourée, c'est un peu ta mère de coeur. En quelque sorte. Comme moi avec la mer, en fait !"

Son sourire s'agrandit lorsque son bien-aimé lui dit une nouvelle fois qu'il l'aimait. "Je t'aime". Elle n'avait pas entendu ces mots depuis un an, et ils sonnaient comme le cristal le plus pur à son oreille.

"Je t'aime aussi, Askôn, n'en doute pas. Je vais même finir par devenir jalouse si je te vois avec d'autres filles, tu es encore plus beau que le jour où nous nous sommes séparés pour l'année !"